Le futur électrique

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Différents scénarios sont sur la table afin de déterminer les besoins nationaux en électricité d’ici 2040 et la nécessité d’adapter le réseau actuel à la future demande. Avant d’en dessiner les contours lors d’une conférence organisée par da Vinci asbl et dont la date reste à définir, Alex Michels, Head of Asset Management à Creos, fait le point sur cette problématique.

Le scénario d’un Luxembourg à un million d’habitants n’est plus considéré comme une fatalité, la croissance économique et ses corollaires en termes de démographie et d’emplois chamboulent d’ores et déjà le pays. Les chantiers de construction d’immeubles résidentiels ou de bureaux, l’aménagement de zones d’activités économiques ou encore la création de nouvelles infrastructures de transports n’en sont que la face visible, la pointe de l’iceberg. D’autres éléments sont cependant à considérer et notamment celui de la fourniture en électricité. C’est à celle-ci qu’Alex Michels, Head of Asset Management à Creos, s’attellera lors de la conférence qu’il donnera dans les prochaines semaines pour les membres de da Vinci asbl. Son credo : quels seront nos besoins en électricité dans le futur et plus particulièrement d’ici 2040 ? Et sa question subsidiaire sur la nécessité d’adapter le réseau actuel à la future demande. Celle-ci se définissant essentiellement pour le gestionnaire de réseau de transport par la capacité du réseau à répondre aux pics de consommation, clé de voûte de la problématique.
Aujourd’hui, deux entreprises se partagent le transport de l’électricité : Creos et Sotel, opérateur du réseau industriel et dont le principal client est ArcelorMittlal. Le premier constat est que, au cours des dix dernières années, la consommation tend à augmenter pour atteindre, en ce qui concerne CREOS, quelque 5 155,1 GWh en 2019 contre 4 646,9 GWh en 2009 suivant en cela la croissance économique et démographique. En revanche, la consommation par habitant est, elle, en baisse constante depuis 2010. Cependant, c’est sur d’autres chiffres que l’intérêt d’Alex Michels se porte : la demande lors des pics de consommation est en forte hausse passant de 740 MW en 2009 à 829 MW en 2019. L’effet est loin d’être négligeable puisque ce sont ces pics qui forcent « le gestionnaire de réseau de transport à augmenter ses capacités ».
Face à ces chiffres, Alex Michels se base sur deux études pour déterminer de quelle manière le réseau d’électricité devra être adapté. La première est le Plan national intégré en matière d’énergie et de climat (PNEC) qui fait état d’un scénario de référence et d’un objectif à atteindre d’ici 2040. La seconde, c’est la Troisième révolution industrielle de Jeremy Rifkin.


Une demande prête à doubler
Pour les secteurs industriel, tertiaire et résidentiel, le PNEC prévoit dans son scénario de référence une baisse des besoins en énergie électrique de -4 %. L’objectif est, quant à lui, fixé à -17 %, des valeurs certes très optimistes. En revanche pour Rifkin, un accroissement des besoins est déterminé à +17 %. Pour Alex Michels qui porte son attention sur les pics de consommation, ceux-ci s’élèveraient à 1025 MW (Rifkin), 866 MW (PNEC référence) ou 750 MW (PNCE objectif).
Deux secteurs gros consommateurs d’électricité sont également ajoutés à ces scénarios : les data-centers dont Alex Michels souligne la nécessité pour le développement futur du Luxembourg, et la mobilité électrique avec les transports en commun (train, tram et funiculaire) et surtout les véhicules électriques (électriques et hybrides rechargeables compris alors que les vélos et trottinettes sont inclus dans les consommations du résidentiel).
Pour alimenter les projets de data-centers (celui de Google n’a pas été pris en compte puisque le projet n’est pas confirmé), Alex Michels table sur un surplus de puissance à apporter de 100 MW. En ce qui concerne l’électro-mobilité, en fonction des scénarios, la consommation lors des pics s’étalerait de 385 MW pour 200 000 véhicules (PNEC référence) à 1 020 MW pour 550 000 véhicules (PNCE objectif). Il établit une moyenne à 507 MW pour un peu moins de 300.000 véhicules.
Quoiqu’il en soit, en tenant compte de ces perspectives, le réseau devra être capable en 2040 d’assumer des pics de consommation de 1 869 MW (PNCE objectif), 1 632 MW (Rifkin) ou 1 352 MW (PNEC référence). Des données à comparer avec le pic de consommation actuel qui se monte à 829 MW. Il faut donc s’attendre à ce qu’il double d’ici les deux prochaines décennies.


Une capacité de production à augmenter,
surtout dans le renouvelable.
La production nationale d’électricité s’élève à 478 MW. Elle provient pour plus du tiers du photovoltaïque (167 MW/35 %), puis de la cogénération (61 MW/13 %), de la biomasse, du biogaz, de l’éolien… (47 MW/10 %), de l’hydraulique (34 MW/7 %) et de l’incinération (21 MW/4 %). Au cours des dix dernières années, cette production a doublé grâce aux énergies vertes, la part de l’éolien passant de 42 en 2010 à 147 MW en 2019 et du photovoltaïque de 30 à 167 MW tandis que la part de la cogénération baisse de 102 à 61 MW.
En revanche, afin de compliquer un peu plus l’équation à laquelle Alex Michels fait face, la majorité de la production nationale étant volatile, la part de l’électricité importée reste stable à 84 % pour garantir la stabilité du système électrique durant les dernières années.
Pour affiner les données, Alex Michels a observé la consommation quart d’heure par quart d’heure sur les douze mois de 2020. Le pic de consommation intervient quand la température tombe à 0 °C et en dessous et dans une moindre mesure en été quand les climatiseurs sont allumés. Or, le problème vient pendant le pic de l’hiver, car la production photovoltaïque peut baisser drastiquement – entre 5 et 20 MW, soit entre 3 et 12 % de ses capacités de production. La production d’électricité éolienne est encore plus sujette aux variations puisqu’elle peut être nulle ou monter à 115 MW soit 78 % de sa capacité de production.
Derniers éléments à prendre en compte, l’évolution de production nationale :
– LE PNEC référence prévoit une capacité de 1215 MW en 2030 (x 2,5 par rapport à la production actuelle de 478 MW) dont 1125 MW en provenance d’énergies renouvelables et de 1600 MW en 2040 (x 3,3) dont 1500 MW en provenance d’énergies renouvelables.
– LE PNEC objectif table sur une capacité de 1546 MW en 2030 (x 3,2) dont 1496 MW en provenance d’énergies renouvelables et de 2535 MW en 2040 (x 5,3) dont 2500 MW en provenance d’énergies renouvelables.
– Rifkin présume une capacité de 795 MW en 2030 (x 1,7) dont 730 MW en provenance d’énergies renouvelables et de 1100 MW en 2040 2030 (x 2,3) dont 1055 MW en provenance d’énergies renouvelables.
Pour Alex Michels, il est clair que « tous les scénarios montrent que nous arriverons à échéance de nos capacités » pour répondre aux pics de demande. « Cela devrait se produire entre 2026 et 2030. » Il est donc nécessaire de moderniser les infrastructures qui ont en moyenne cinquante ans. Mais surtout, si la croissance de la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables permettra certainement de réduire les importations et la dépendance du Luxembourg envers ses voisins, elle ne réduit pas la nécessité de développer le réseau d’une façon intelligente pour faire face aux défis du futur.
La solution préconisée est donc de développer les capacités d’importation – qui sera de toute façon toujours nécessaire pour répondre à la demande – à travers un réseau Creos haute-tension. Il s’agira aussi de promouvoir des mesures intelligentes afin d’optimiser l’utilisation des infrastructures électriques. En rechargeant sa voiture électrique au milieu de la nuit et non pas en rentrant du travail. Ou encore mieux, au cours de la journée, moment plus propice pour tirer les bénéfices offerts par l’énergie photovoltaïques.